Réparer les vivants – En plein cœur

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Katell Quillévéré aborde sans emphase et avec intelligence l’ambivalente question du don et de la réception d’organes. Réparer les vivants est une course de relais à laquelle se greffe un parcours clinique à la précision documentaire. Film cathartique et organique, le troisième long métrage de Katell Quillévéré se montre profondément humain sur fond de chronique hospitalière.

Tout commence au petit jour dans une mer déchaînée avec trois jeunes surfeurs. Quelques heures plus tard, sur le chemin du retour, c’est l’accident. Désormais suspendue aux machines dans un hôpital du Havre, la vie de Simon n’est plus qu’un leurre. Au même moment, à Paris, une femme attend la greffe providentielle qui pourra prolonger sa vie…

Un film tous les trois ans, tel est le rythme de métronome suivi par Katell Quillévéré. Réparer les vivants succède à l’elliptique Suzanne réalisé en 2013 et au nébuleux Poison violent, prix Jean Vigo en 2010. Ce troisième long métrage est l’adaptation cinématographique du roman éponyme de Maylis de Kerangal. La réalisatrice prend cependant ses distances par rapport au récit original. Là où Réparer les vivants version écrite faisait le récit d’une course contre-la-montre engagée lors d’un don d’organe, la version cinématographique procède d’une course de relais menée sereinement.

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Dans ce parcours, Katell Quillévéré ménage des pauses durant lesquelles l’action est délaissée au profit de la méditation. Ici, le récit aurait gagné en intérêt si les changements de psychologie des personnages face au don ou à la réception d’un organe vital avaient été approfondis. Le trajet suivi est également entrecoupé de descentes et de montées. Les premières devancent un évènement négatif. En opposition, les ascensions (funiculaire, escalier, éloignement du front de mer) sont les prémices à un fait heureux.

Casting choral

Dans ce film choral, les protagonistes rentrent successivement dans la course de relais précitée. Ils se succèdent à l’écran et se greffent au récit d’un parcours clinique et chirurgical. La précision documentaire du parcours décrit octroie à celui-ci une véracité certaine renforcée par l’ambiance ouatée mise en place. La chronique filmée de la vie hospitalière en ressort grandie.

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La méthode du film choral et relai suivie par Katell Quillévéré apporte une évidente variété. Par contre, elle prête le flanc à la comparaison des interprétations livrées par les acteurs. Côté masculin, celles de Tahar Rahim et Bouli Lanners retiennent l’attention par le juste équilibre trouvé entre sobriété et intériorité.

Côté féminin, la performance d’Emmanuelle Seigner est intéressante, celle d’Anne Dorval est sublime. Bien que porteuse d’un cœur qui menace de ne plus remplir sa fonction essentielle, l’actrice québécoise est l’organe vital de Réparer les vivants. Souffle court, elle porte la seconde partie du film qui lui est consacrée en tant que receveuse d’un cœur tant espéré.

Les deux faces d’un même film

La mise en scène se montre sage et classique. Le début du film fait cependant se succéder une longue descente sinueuse en direction de la mer puis une superbe scène de surf au ralenti captée depuis l’intérieur d’une vague. Un temps perdu, les repères directionnels nous sont rapidement redonnés par le plan suivant. Celui d’une route rectiligne qui, par un fondu enchaîné, viendra se confondre avec l’horizon plat de l’océan avant un choc aussi frontal que fatal.

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Si nous excluons les scènes d’ordre chirurgical, cette frontalité sera par la suite abandonnée au profit notamment de prises de vues récurrentes réalisées derrière les protagonistes à hauteur de nuques. Ce procédé figure l’anonymat réciproque des deux parties, l’une donneuse l’autre receveuse, imposé par la loi.

La séparation dans le film de ces deux parties est nette et précise comme une incision. Réparer les vivants débute avec la partie donneuse avant de s’étendre plus longuement sur la partie receveuse. Katell Quillévéré se range ainsi du côté de l’espoir, celui de la receveuse, pour rendre l’histoire plus supportable. Dans cette course de relais, les premiers relayeurs s’éclipseront ou feront de rares apparitions dans la seconde partie du long métrage. Donneurs et receveurs ne seront réunis que symboliquement sur un tableau blanc abondamment rempli dans sa partie gauche réservée aux receveurs et clairsemé dans sa partie droite dédiée aux donneurs.

Une catharsis salvatrice

Nous aurions pu redouter un film tire-larmes et emphatique. Réparer les vivants n’est pas engagé dans cette compétition. Le don d’organes est un sujet délicat et ambivalent car synonyme de désespoirs pour les proches du donneur et de possibles espoirs pour le receveur et son entourage. Les obstacles étaient nombreux, Katell Quillévéré a su les éviter dans la réalisation d’un film cathartique et organique profondément humain.

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Les dialectiques vie-mort, espoir-désespoir, songe-éveil sont traitées avec intelligence. Et, en encadrant son film par deux réveils, celui du donneur et celui de la receveuse, la réalisatrice symbolise avec poésie la migration d’un cœur. L’organe vital apparaît comme un fragile trait d’union entre deux existences, l’une a fini son parcours alors que l’autre s’apprête à prendre un nouveau départ.

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