Un coup de maître – Tableau de l’art contemporain

Gastón Duprat inscrit Un coup de maître, sa première réalisation en solo, dans la lignée d’un précédent film qu’il avait coréalisé en 2008 avec Mariano Cohn, L’artiste (Art et essais réussis). Très différents sur le plan formel, ces deux longs métrages appartiennent à la même veine cinématographique, celle des comédies dramatiques. Ils traitent d’un même sujet, celui de l’imposture dans la sphère de l’art contemporain (peinture) animée par la marchandisation et la spéculation.

Arturo est le propriétaire d’une galerie d’art à Buenos Aires, un homme charmant, sophistiqué mais sans scrupules. Il représente Renzo, un peintre loufoque et torturé qui traverse une petite baisse de régime. Leur relation est faite d’amour et de haine. Un jour, Renzo est victime d’un accident et perd la mémoire. Profitant de cette situation, Arturo élabore un plan osé pour les faire revenir sur le devant de la scène artistique.

Un coup de maître est le premier film que Gastón Duprat réalise sans Mariano Cohn qui intervient ici comme producteur. De ce duo de cinéastes argentins, nous avions moyennement été convaincus par Citoyen d’honneur (2016, L’orgueil des sens) et par L’homme d’à côté (2009, Visite circonscrite de la maison Curutchet). Plus lointain, L’artiste avait été pour nous un vrai coup de cœur notamment pour la recherche formelle continuelle dans la composition des cadres que les deux cinéastes proposaient dans ce film. La réalisation très classique de Un coup de maître ne peut être comparée à celle de L’artiste mais les deux films partagent une même réflexion sur l’imposture dans le monde de l’art contemporain, en l’occurrence, la peinture.

Le spectateur est accueilli par une voix off commentant un tableau filmé par une caméra se déplaçant à proximité de la surface de celui-ci. Cette peinture n’est ainsi pas perçue dans son entièreté mais laisse percevoir son sujet : un paysage montagneux dont la réalité vraie (province argentine de Jujuy) nous sera montrée à l’approche de l’épilogue du film. Ce tableau est l’œuvre de Renzo (Luis Brandoni), peintre vieillissant au succès passé. La voix experte entendue est celle d’Arturo (Guillermo Francella), ami et galeriste de longue date de Renzo. Alors qu’Arturo s’avoue finalement assassin, le film va ensuite procéder par un très long flashback laissant l’audience dans le doute. Quelle est la part de vérité dans les propos tenus par Arturo ?

Le scénario écrit par Andrés Duprat, frère du réalisateur et déjà scénariste des trois films précités, va longuement laisser planer le doute sur l’exacte réponse à apporter à cette interrogation. Rondement mené, Un coup de maître peut être découpé en deux parties distinctes. Dans son premier segment, cette comédie dramatique est le réceptacle de premiers quiproquos autour du personnage de Renzo. L’artiste peinture bougon né en l’an 332 de l’ère Rembrandt au succès passé conserve au présent son indépendance et ses intransigeances. Renzo ne peint pas sur commande.

Puis un twist soudain et violent fait basculer le film dans un genre plus grave et plus réflexif sans délaisser les codes de la comédie. On retrouve là le regard acerbe du réalisateur sur la micro-sphère de l’art contemporain qu’il avait déjà explorée dans L’artiste. Duprat dénonce ainsi le succès possiblement fabriqué obtenu par les faiseurs d’art contemporain de leur vivant ou à titre posthume. Au-delà, le réalisateur conteste la marchandisation et la spéculation devenues les principaux moteurs d’un art vidé en grande partie de sa part créative originelle. Et si Un coup de maître n’a rien de magistral, une forme classique et quelques faiblesses dans le récit assombrissent un peu le tableau, ce film n’en propose pas moins quelques réflexions dignes d’intérêt.

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