The dead don’t die – Genre désaxé

Depuis longtemps, la qualité première d’un film d’ouverture du festival de Cannes réside dans son casting. Sur ce plan, The dead don’t die a satisfait au cahier des charges en livrant une « belle » montée des marches. De la large distribution taillée pour satisfaire toutes les générations de spectateurs, Tilda Swinton, Bill Murray, Adam Driver et Chloë Sevigny notamment ont sacrifié au rituel du tapis rouge. Par contre, sur le plan cinématographique, valeur-première (?) de la grand-messe du 7ème art, nous pouvons constater que le contrat n’est pas rempli. Jim Jarmusch livre un film certes divertissant mais peu marquant et peu surprenant, donc mineur.

Dans la sereine petite ville de Centerville, quelque chose cloche. La lune est omniprésente dans le ciel, la lumière du jour se manifeste à des horaires imprévisibles et les animaux commencent à avoir des comportements inhabituels. Personne ne sait vraiment pourquoi. Les nouvelles sont effrayantes et les scientifiques sont inquiets. Mais personne ne pouvait prévoir l’évènement le plus étrange et dangereux qui allait s’abattre sur Centerville : The dead don’t die – les morts sortent de leurs tombes et s’attaquent sauvagement aux vivants pour s’en nourrir. La bataille pour la survie commence pour les habitants de la ville.

Cinéaste talentueux, Jim Jarmusch aime s’emparer des genres cinématographiques pour les revisiter, les moderniser par l’emploi notamment d’attributs issus de la pop culture et bousculer les codes établis. Avant visionnement, il semblait naturel de rattacher The dead don’t die, premier film de zombie de ce cinéaste emblématique du cinéma indépendant américain, à Only lovers left alive, son premier film de vampire. Mais après visionnement, l’opus de 2019 ne brille pas de la même réussite que son homologue de 2013.

Dès l’entame du film, l’entrée dans Centerville s’effectue en longeant le cimetière de ce « real nice place ». Les morts s’y tiennent pour l’instant tranquilles mais l’axe de rotation légèrement modifié de la planète Terre ne tarde pas à générer des phénomènes inexpliqués.

Le principal atout de The dead don’t die réside dans son casting. Nous retrouvons avec plaisir nombre d’acteurs ayant déjà collaboré avec Jarmusch. Dans des rôles de composition, Tom Waits, Steve Buscemi et Iggy Pop reforment le trio de Coffee and cigarettes (2003), cigarettes en moins. Pour sa part, Tilda Swinton assume une nouvelle prestation à mi-chemin entre son rôle dans Only lovers left alive et celui d’Uma Thurman dans Kill Bill (2003 et 2004, Quentin Tarantino). Ces personnages demeurent cependant secondaires face aux trois membres de la police locale. Bill Murray alias Cliff, ex chasseur de fantômes dans S.O.S. fantômes (1984 et 1989, Ivan Reitman), chasse ici les morts-vivants. Il est assisté par Mindy (Chloë Sevigny) et Ronnie (Adam Driver pour sa seconde collaboration avec le réalisateur après Paterson en 2016 – En noir et blanc). Ce trio mi-flegmatique, mi-décontenancé se retrouve rapidement dépassé par le retour en ville de trépassés nullement étrangers aux maux dont peut souffrir aujourd’hui le commun des mortels.

Mais cette large distribution est aussi le principal écueil dans lequel tombe le film. Jarmusch cumule une dizaine de fils narratifs. Chacun est concentré sur un ou quelques personnages. The dead don’t die ne cesse ainsi d’osciller d’un protagoniste à un autre. Balloté, le spectateur ne peut s’attacher à aucun d’entre eux ! Si cet état de fait est acceptable à l’égard des personnages qui ne participeront pas à l’épilogue du film, il laisse un goût d’inachevé en regard des protagonistes qui animent l’épilogue du film. Insuffisamment creusées, l’identité et la trajectoire notamment psychologique des héros ne trouvent aucun soutien dans un scénario notablement paresseux.

Très tôt dans le film, Ronnie annonce que « tout cela va mal finir ». Driver qui joue ce personnage en est certain puisque c’est écrit dans le scénario du film qu’il est le seul à avoir lu. Un scénario fantôme qui délaisse rapidement son sous-texte politico-écolo responsable pour le rattraper in extremis et à minima en fin de métrage. Le message porté reste en arrière-plan sans jamais paraitre essentiel à la narration. Fin et élégant réalisateur, Jarmusch agrémente certes son film de quelques touches humoristiques et mises en abyme appréciables mais nullement transcendantes sur le fond. The dead don’t die glisse ainsi gentiment, sans surprise, sans émotion vers l’épilogue annoncé. En cela, Jarmusch respecte les codes du genre, là où nous attendions un film plus audacieux et provocateur.

Le metteur en scène cite à l’envi ses références alors que son scénario ressuscite les morts. Les mots-vivants déambulent et la narration piétine rythmée par la chanson-titre de Sturgill Simpson entendue aussi à plusieurs reprises jusqu’à insupportée Cliff. Le regard désabusé mais amusé porté sur une société consumériste annonciatrice d’une fin du monde proche se révèle au final peu éclairant. La revisite d’un genre cinématographique très codé ne convainc pas plus et bien moins que Dernier train pour Busan (2016, Sur de bons rails) de Sang-ho Yeon.

2 réflexions sur “The dead don’t die – Genre désaxé

  1. Jarmusch réveille les morts-vivants pour tourner un film-zombie. Je trouve l’idée assez cohérente, la démarche intéressante, et plutôt drôle par son traitement. A mes yeux un des hommages les plus réussis à l’œuvre de George Romero qui lui-même ne prenait pas toujours sa métaphore cadavérique au sérieux.

    Aimé par 1 personne

    • Bonjour Princecranoir
      The dead don’t die n’est pas un mauvais film en soi. Il reste divertissant mais aussi anecdotique à cause d’un propos peu appuyé et de personnages peu approfondis. Au final, le film laisse guère de traces. Je le considère comme mineur dans la filmographie de son auteur.

      Aimé par 1 personne

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