C’est sous le titre Les fleurs amères que nous parvient le premier long-métrage de fiction d’Olivier Meys. Par son sujet intéressant, sa narration fluide et sa direction d’acteurs au diapason, ce film est une belle réussite. Il garde quelques caractéristiques, dont la précision, propres aux documentaires, domaine dont est issu le cinéaste belge. L’académie des Magritte (les César belges) ne s’y est pas trompée en attribuant à Bitter flowers (titre original du film) le Magritte du Meilleur premier film en février dernier.
Lina, une jeune femme ambitieuse, laisse son mari et son fils en Chine pour partir à Paris afin de leur assurer un avenir meilleur. Mais une fois en Europe rien ne se passe comme prévu et elle s’enferme dans un monde de mensonges pour ne pas abandonner son rêve.
Olivier Meys fait le récit de l’émigration financièrement intéressée de ressortissantes chinoises vers Paris. La quête filmée au féminin est celle d’un futur familial plus favorable à un présent contraint vécu dans le Dongbei, une région du nord-est de la Chine où la crise économique sévit. C’est là une perception de l’immigration chinoise quasi jamais montrée sur nos écrans. Puis, une fois le mirage disparu sous le coup de multiples désillusions et compromissions, le propos des Fleurs amères prend la voie d’un retour au pays où la recherche de rédemption s’annonce tout aussi compliquée.
Documentariste de formation, Meys parvient à saisir ses personnages dans leur quotidien, leur précarité et leurs doutes. La précision observée est toute documentaire. Le cinéaste met en lumière la précarité et l’exploitation contemporaine, pas uniquement économique, des migrants. Le traitement proposé est astucieux car il ne verse jamais dans le moindre didactisme. Il écarte aussi toute scorie mélodramatique et tout jugement y compris moral. En ménageant une distance appropriée entre la caméra et les protagonistes, le traitement livré relève d’une appréciable pudeur. En contrepoint, il ressort aussi du film l’entraide et l’amitié entre compagnons d’infortune au sein de la communauté chinoise de Paris.
Bien dirigé, le casting sert avec à-propos l’intrigue. Récemment vue déjà à son avantage dans So long, my son de Wang Xiaoshuai (2019, Unique et indivisible), Qi Xi livre dans le rôle principal une belle performance qui imprime une réelle authenticité à son personnage. Il se dégage ainsi des Fleurs amères le portrait d’une femme forte face à l’adversité.
Il y a dans le double épilogue ouvert des Fleurs amères matière à réaliser un autre film. Une sorte de suite qui viendrait chroniquer les lendemains en terres chinoises des deux couples mis en scène. Meys nous a cependant confessé ne pas avoir pour projet de réaliser cette suite.