Dans Noura rêve, Hinde Boujemaa aborde un sujet délicat, voire tabou en Tunisie. Autour de son personnage principal, Noura interprétée à l’écran par Hind Sabri, coupable d’adultère, la réalisatrice noue une intrigue dont la narration semble placée sous l’influence d’Asghar Farhadi. Nous reconnaissons dans ce premier long-métrage de fiction quelques procédés dont le cinéaste iranien avait fait un brillant usage dans A propos d’Elly (2009) et Une séparation (2011) notamment. La complexité de Noura rêve n’est certes pas du niveau de celle de ces films-modèles, mais les qualités d’écriture et de mise en scène de la scénariste-réalisatrice belgo-tunisienne n’en demeurent pas moins appréciables.
5 jours, c’est le temps qu’il reste avant que le divorce entre Noura et Jamel, un détenu récidiviste, ne soit prononcé. Noura qui rêve de liberté pourra alors vivre pleinement avec son amant Lassad. Mais Jamel est relâché plus tôt que prévu, et la loi tunisienne punit sévèrement l’adultère : Noura va alors devoir jongler entre son travail, ses enfants, son mari, son amant, et défier la justice…
Dans Noura rêve, Hinde Boujemaa met en images le combat d’une femme tunisienne (Hind Sabri) mère de trois enfants aux prises avec deux hommes, son mari fraîchement sorti de prison (Lotfi Abdelli) et son amant (Hakim Boumsaoudi). En instance de divorce, Noura vit en cachette son adultère car en Tunisie les amants peuvent être sanctionnés d’une peine d’emprisonnement. Ce rêve de Noura doit donc être vécu caché jusqu’à ce que le divorce soit officiellement prononcé.
Le film assène à Noura de nombreux coups du sort auxquels s’ajoute un mari violent et menteur. L’espoir d’une sortie par la haut fait long feu derrière d’un système kafkaïen où le cynisme fait loi. L’acmé de Noura rêve intervient en fin de film lors d’un long plan-séquence donnant à voir l’interrogatoire dans les locaux de la police locale. Sans complaisance, les trois parties y sont mises en opposition et sous tension. La défense de Noura y apparaît malheureusement affaiblie par son caractère ambigu et en partie inapproprié. Il est là affaire de mensonges dont nous pouvons rapidement craindre qu’ils ne sauront être suffisamment crédibles pour être tenus jusqu’au terme de la confrontation.
Boujemaa, réalisatrice et co-scénariste, livre ainsi une première fiction plutôt bien menée qui ne se limite pas au film à thèse. L’intérêt de Noura rêve ne se limite donc pas au message féministe délivré. Il réside aussi dans la description faite d’une société tunisienne encore régie par des forces patriarcales sur lesquelles viennent se greffer violence, corruption et conflits d’intérêt. La réalisatrice emportée par son discours résolument féministe n’évite cependant pas une certaine forme de caricature du genre masculin. La lutte des genres se teinte alors d’un peu de manichéisme… ou de mensonges.