Après avoir établi le contexte du projet cinématographique de Mariano Llinás, nous vous avions livrés dans le deuxième volet de cet article notre analyse filmique de la première moitié de La flor. Nous clôturons ici cette analyse en nous concentrant logiquement sur la deuxième moitié d’un film-fleuve dont la durée dépasse les huit cents minutes.
La mention « continuará » inscrite sur l’écran noir qui clôturait la deuxième partie de La flor était à prendre au pied de la lettre. En effet, l’amorce du troisième quart du film donne une suite (mais sans fin) au film d’espionnage démarré quelques trois heures plus tôt. Ce segment, le plus long, met au grand jour un découpage arbitraire de La flor en quatre parties qui s’étirent certes toutes sur environ deux cents minutes mais doivent être obligatoirement visionnées dans l’ordre proposé. Au spectateur de s’attacher davantage au découpage en six histoires qu’à celui en quatre parties.
Si le soin constant apporté à la composition des cadres demeure, les travellings se font rares ainsi que les jeux de focus sur l’avant, l’intermédiaire et l’arrière-plan. Mariano Llinás pose ici plus particulièrement son attention sur la lumière des cadres fixes composés. La photographie constitue ici et sans nul doute sa principale préoccupation. Il compose ainsi et pour l’exemple une séquence s’apparentant à du roman photo par la succession d’images figuratives en noir et blanc.
Comme son prédécesseur, le quatrième épisode trouvera son « épilogue » dans le quart suivant celui qui l’aura vu naître. Cette quatrième histoire est une mise en abîme de la création d’un film, en l’occurrence La flor. Le spectateur aura tout le loisir d’y observer les tensions entre les actrices, les oppositions entre celles-ci et un réalisateur exigeant, les relations avec la productrice ou encore une écriture littérale à l’écran du scénario. Les aspects plus techniques (et masculins) tels que les prises de sons, les repérages, le tournage sont aussi au menu.
Le début de la quatrième et dernière partie de La flor clôture quasi exclusivement en voix off cette mise en abîme. Celle-ci efface la frontière entre l’artistique et le technique tout comme le fera plus tard le générique de fin. Llinás passe ici un message auquel nous voulons bien croire : durant la création de La flor, le collectif a toujours primé sur l’individualité. Mieux encore, membres artistiques et membres techniques étaient appelés à ne faire qu’un car être membre de l’aventure La flor, c’est être devant et derrière la caméra. Là encore, le générique de fin en fera la démonstration.
Dans l’épisode 5, Llinás adapte, quasi plan à plan, Partie de campagne (1946). Il reprend le noir et blanc du film de Jean Renoir mais laisse la bande sonore quasi vierge pour mieux embrasser les codes du cinéma muet. L’absence partielle de la bande son réduit l’intérêt de cette revue du moyen métrage de Renoir.
L’ultime épisode s’inscrit pleinement en hommage au cinéma muet par sa durée très courte (une vingtaine de minutes), son absence de dialogues, son utilisation de cartons placés devant la caméra pour porter la narration. Elisa Carricajo, Valeria Correa, Pilar Gamboa et Laura Paredes interprètent quatre captives échappées des Indiens, au XIXe siècle. Ce segment est filmé en camera obscura : la caméra tournée à 180° filme le reflet des images produites sur une peau de vache. Cette technique expérimentale restitue des images monochromes à la texture singulière.
Continuará… La flor – Bouquet cinématographique (4/4)