Dès 1948, soit à peine trois ans après la mort de Mussolini et la fin de la seconde Guerre Mondiale, Luigi Zampa fait œuvre pamphlétaire. Son titre ? Les années difficiles. Un titre programmatique et, malgré son extrême justesse, forcément réducteur par rapport aux souffrances vécues à l’époque. Le cinéaste italien y aborde l’histoire tumultueuse de son pays sur plus d’une décennie courant jusqu’à la fin du second conflit mondial.
Le drame d’un modeste fonctionnaire sicilien, Aldo Piscitello, contraint, sous Mussolini, d’adhérer au fascisme pour conserver son emploi, et qui le perd réellement à la Libération. Le maire qui le congédie pour avoir été au Parti fasciste est le même qui le força, autrefois, à s’y inscrire…
Dans Les années difficiles, Luigi Zampa dresse une critique sans fard du régime mussolinien au fil d’événements historiques restitués dans leur ordre chronologique. Le cinéaste passe tout en revue depuis la montée du fascisme jusqu’à la chute du chef du parti fasciste. Rien n’est oublié de l’implication du régime de Mussolini durant la seconde Guerre Mondiale notamment sur le théâtre d’opérations africaines mais aussi de l’apport en « oranges » du régime italien au régime franquiste espagnol. De véritables images d’archive et des extraits de bulletins d’information radiophoniques viennent étayer et servir le récit déroulé sereinement sans la moindre baisse de rythme.
L’autre réussite du film réside dans son personnage central singulier. Aldo Piscitello incarné par Umberto Spadaro est un sicilien non politisé. Ce simple agent public se voit menacé de licenciement s’il n’adhère pas au parti fasciste au pouvoir. Alors que son entourage l’encourage à signer cette adhésion, Aldo mène son combat humble de résistant. Jusqu’à quand ? L’irréductibilité d’Aldo place notre héros en marge de la population italienne, autre cible de la critique menée par Zampa. En ces temps-là, les opinions se faisaient et se défaisaient tout aussi rapidement.
Le cinéaste italien relate des faits et gestes encore très récents quand Les années difficiles sort en salles en 1948. Zampa adoucit la note en traitant une part de son propos de façon satirique. Mais la part (néo)réaliste non feinte fit couler beaucoup d’encre. Il provoqua de vifs débats jusqu’au sein du Parlement italien où certains députés demandèrent de mettre sous séquestre ce film accusé d’atteindre à l’honneur de la nation italienne. La complaisance fasciste du gouvernement mussolinien puis l’avènement de l’épuration d’après-guerre y sont traités sans… complaisance.
Aujourd’hui encore, Les années difficiles demeure très méconnu, peu vu. Il en va de même des deux autres films – Anni facili (1953) et Les années rugissantes (1962) – qui forment avec celui-ci une trilogie. Ce premier opus incite à découvrir ou redécouvrir dans son entièreté cette trilogie que Zampa consacra aux années italiennes placées sous la férule du fascisme italien.