Paris nous appartient – Au sommaire des Cahiers du cinéma

Paris nous appartient est le premier long-métrage réalisé par Jacques Rivette. Le cinéaste, un des tenants de la Nouvelle Vague, livre en 1961 un film reconnu comme emblème de ce mouvement du cinéma français porteur d’un courant nouveau. Pourtant, peu précurseur sur le fond comme sur la forme, Paris nous appartient semble recéler une part emblématique pour le moins limitée.

À Paris, Anne prépare ses examens dans sa chambre de bonne. Elle est interrompue par la voisine qui lui annonce la mort de son frère, Juan, lui-même ami du frère d’Anne. C’est le début d’une enquête pleine de faux-semblants, entre réfugiés espagnols, Américains en butte au maccarthysme et jeunes Français qui tentent de monter une pièce de Shakespeare.

La réponse au titre choisi par Jacques Rivette pour son premier long-métrage ne se fait pas attendre. Elle est celle de Charles Peguy – « Paris n’appartient à personne » – et apparaît à l’écran en conclusion du générique de début et en introduction de la première scène du film. Ce dernier ne nous apprendra rien sur le ou les propriétaires de Paris. Il permettra par contre aux spectateurs de visiter en noir et blanc les intérieurs (chambres de bonnes) et quelques extérieurs (places de la Sorbonne, du Châtelet, de l’Etoile, rue des Canettes, etc.) parisiens au fil de séquences prises sur des lieux publics.

Paris nous appartient est souvent considéré comme un film emblématique d’une Nouvelle Vague du cinéma français alors naissante. Pourtant, la réalisation et le scénario avancé révolutionnent guère un 7ème art bien établi. Entre naturalisme et postures théâtrales, la mise en scène est des plus classiques et ne s’aventure que très rarement dans l’inventivité. L’intrigue alambiquée paraît au final inutilement étirée au regard d’un dénouement qui, contrairement au reste du film, fait l’objet d’un traitement vite expédié, quasi désinvolte. L’ensemble prend parfois les allures d’un polar mais jamais sur la durée. Le complot (la conspiration ?) entretenu autour de la mort de Juan se révèle moins opaque que flou. Il n’est pas certain que les intentions de Rivette et de Jean Gruault se situaient là.

La part emblématique du film est peut-être à rechercher dans le casting sollicité. La distribution fait effectivement la part belle à de jeunes comédiens au jeu friable, peu assuré. Les aspirants comédiens mis devant la caméra ne feront pas une carrière notable dans le cinéma exception faite de Jean-Claude Brialy déjà reconnu en 1961 comme l’un des jeunes comédiens privilégiés par les tenants de la Nouvelle-Vague. Mais, le jeune acteur déjà vu notamment dans Le beau Serge (1958, Claude Chabrol) est ici cantonné dans un rôle secondaire, simple ami de « la fille qui n’a pas d’opinion » personnage candide et principal incarné par Betty Schneider. La large galerie de personnages mise en œuvre, trop hétéroclite, apparaît dès lors plus fabriquée à dessein que naturelle.

La part emblématique de Paris nous appartient vient plus probablement de l’année de la sortie en salles du film, 1961, et de l’année 1957 où se situe l’action. Bref, une période charnière durant laquelle la Nouvelle-Vague du cinéma français a pris forme et s’est imposée dans l’hexagone tricolore et au-delà. Si derrière la caméra Rivette se complait dans une mise en scène classique qui réservera peu de surprises formelles, il ménage quelques caméos auxquels il participe lui-même. Ainsi, devant la caméra, le temps de quelques scènes, Claude Chabrol, aussi coproducteur du film, Jacques Demy et Jean-Luc Godard apparaissent. Paris nous appartient gravite bel et bien dans la sphère des Cahiers du Cinéma. D’ailleurs, les spectateurs les plus attentifs apercevront au détour d’une scène quelques exemplaires du mensuel soigneusement classés sur une étagère.

Il ne semble manquer que François Truffaut dans le champ de la caméra. Pourtant, deux ans plus tôt (1959) dans Les quatre cents coups, Truffaut envoyait la famille Doisnel au cinéma pour voir un film répondant au nom de… « Paris nous appartient ». Il est vrai que la gestation du premier projet de Rivette fut longue avant une sortie en salle en toute fin d’année 1961.

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