Lumière 2016 (Catherine Deneuve)

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Après successivement Clint Eastwood, Milos Forman, Gérard Depardieu, Ken Loach, Quentin Tarantino, Pedro Almodóvar et Martin Scorsese, c’est la comédienne française Catherine Deneuve qui recevra le 8ème Prix Lumière. Il lui sera remis lors du festival Lumière qui se tiendra à Lyon et dans sa Métropole du samedi 8 au dimanche 16 octobre 2016. « C’est une déesse du cinéma » dit d’elle Martin Scorsese qui reçut le Prix Lumière en 2015.

Décerné par l’Institut Lumière, le Prix Lumière est attribué à Catherine Deneuve pour ce qu’elle est, ce qu’elle fait, ce qu’elle dit, ce qu’elle joue, ce qu’elle chante et ce qu’elle enchante depuis toujours et pour toujours.

Le Prix Lumière a été créé par Thierry Frémaux et Bertrand Tavernier afin de célébrer à Lyon une personnalité du septième art, à l’endroit même où le Cinématographe a été inventé par Louis et Auguste Lumière et où ils ont tourné leur premier film, Sortie d’Usine, en 1895. Parce qu’il faut savoir exprimer notre gratitude envers les artistes qui habitent nos vies, le Prix Lumière est une distinction qui repose sur le temps, la reconnaissance et l’admiration.

Le programme complet du festival est disponible au format pdf sur ce lien.

Notre programme sera composé des films ci-dessous sur lesquels nous vous proposerons une notule après chaque visionnage.

Article synthèse : Festival Lumière 2016 – Nos coups de cœur

Catherine Deneuve : Prix Lumière 2016

La sirène du Mississipi

de François Truffaut (1969, 2h03)

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Louis Mahé (Jean-Paul Belmondo) est installé sur l’île de la Réunion. Il fait venir, sur un paquebot nommé Mississipi, une jeune femme, Julie Roussel (Catherine Deneuve), avec qui il entretient une correspondance amoureuse. Le couple se marie sans plus tarder. Mais bientôt Louis découvre que la jeune femme n’est pas celle qu’elle prétend être…

Dans sa présentation du film, Régis Wargnier évoque un film bancal car multi-genre et multipliant les ellipses pour ne s’intéresser qu’à l’essentiel. La sirène du Mississipi est une tragédie très désespérée animée par un duo d’acteurs en contre-emploi, notamment Jean-Paul Belmondo qui incarne un naïf machiste, rôle peu commun pour l’acteur.

Notre avis (2/5)François Truffaut porte à l’écran Waltz into darkness, un roman à suspense de William Irish. Dans cette adaptation libre, le chef de file de la Nouvelle Vague française privilégie le drame passionnel romancé sur une trame policière allégée au détriment du suspense.

Le générique de début de La sirène du Mississipi est composé de petites annonces de rencontre. Certaines sont lues simultanément à haute voix ce qui créé une certaine cacophonie. Cette introduction se révèle prémonitoire aux fausses descriptions (les petites annonces de rencontre) et aux malentendus (cacophonie) associés déclinés par le film.

La première partie de La sirène du Mississipi convainc. Puis, assez rapidement, le récit s’étiole et se réduit comme La peau de chagrin référencée en fin de métrage. Le film cumule ainsi quelques scènes maladroites ou inutiles, des paraboles tracées à gros traits et des répliques qui relèvent de poncifs ou de banalités. François Truffaut emprunte à plusieurs reprises à Jean-Luc Godard (Pierrot le fou, Masculin féminin) mais la grammaire godardienne n’entre jamais en osmose avec le récit.

Le film témoigne de la passion de son auteur pour Catherine Deneuve : « Ta beauté est une souffrance. C’est une joie et une souffrance. » dit Louis à Julie. Dix ans plus tard, dans Le dernier métro, Gérard Depardieu soufflera cette même réplique à Catherine Deneuve.

Indochine

de Régis Wargnier (1992, 2h32)

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Dans l’Indochine des années trente, Eliane Devries (Catherine Deneuve) dirige avec son père Emile (Henri Marteau) une plantation d’arbres à caoutchouc. Elle a adopté Camille (Linh-Dan Pham), une princesse annamite orpheline. Toutes les deux ne vont pas tarder à tomber amoureuses de Jean-Baptiste (Vincent Perez), un jeune officier de la marine. Au même moment, sur fond de nationalisme ambiant, sont perpétrés les premiers attentats contre les Français…

En présence de Catherine Deneuve, de Régis Wargnier, de Linh-Dan Pham et de Marisa Paredes.

Film de clôture du festival Lumière 2016 dont la copie restaurée 4K est ici projetée en avant-première.

Notre avis (3.5/5)Indochine – Charmes exotiques restaurés

Marcel Carné

Les enfants du paradis

de Marcel Carné (1945, 3h10)

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Paris, vers 1830. Le boulevard du Crime est le haut lieu du théâtre populaire et des baraques de foire où se bouscule le Tout-Paris. Dans une des attractions, Garance (Arletty), une belle jeune femme, libre et audacieuse. Les hommes sont fous d’elle, et quatre d’entre eux lui font la cour : Frédérick Lemaître (Pierre Brasseur), comédien novice, Pierre-François Lacenaire (Marcel Herrand), dandy assassin, le comte de Montray (Louis Salou), aristocrate que rien n’arrête, et Baptiste Deburau (Jean-Louis Barrault), célèbre mime, amoureux sincère et transi…

Présentation du film par Noël Herpe.

Notre avis (4.5/5)Les enfants du paradis, réalisé durant la seconde Guerre Mondiale par Marcel Carné, est une pièce maîtresse du cinéma français. Un authentique film de patrimoine au sens premier du terme qui semble marquer la fin d’une époque et le début d’une autre. Cette perception nous est probablement soufflée par le découpage du long métrage qui fait succéder à une première partie enjouée, une seconde moitié plus nostalgique et plus sombre malgré son titre « L’homme en blanc ». Par ailleurs, les pantomimes peuvent par exemple être perçues comme autant d’hommages au cinéma muet.

Dans Les enfants du paradis, le spectacle est à la fois permanent et varié. Il peut être de rue ou de théâtre, mimé ou dialogué, déguisé ou pas, au premier plan ou placé en arrière plan. Peu importe la forme prise et sa place dans le cadre, la représentation est générale et sublime. Le chef-d’œuvre de Marcel Carné baigne dans une atmosphère profonde qui imprègne les personnages et les décors. La version restaurée des Enfants du paradis met en relief une reconstitution précise des lieux intérieurs et extérieurs magnifiée par une excellente gestion de la profondeur de champ. Ce long métrage aux dialogues ciselés signés par Jacques Prévert relève finalement de la pure comédie humaine au long cours..

Hollywood, la cité des femmes

L’introuvable

de W.S. Van Dyke (1934, 1h31) – Myrna Loy – Titre original : The thin man

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Nick Charles (William Powell), ancien détective privé, occupant le plus clair de son temps à parier, boire et s’occuper de sa nouvelle épouse Nora (Myrna Loy), est contacté par la fille de Clyde Wynant (Edward Ellis), un célèbre inventeur. L’homme est séparé de sa femme Mimi, à la suite d’une relation avec Julia, sa secrétaire qu’il soupçonnait de lui avoir dérobé de l’argent. Julia est retrouvée assassinée, Wynant a disparu. Nick et Nora se lancent dans l’enquête…

Dans sa présentation du film, Antoine Sire indique que L’introuvable a longtemps été inexploité en France et compte trois points communs avec Tarzan, l’homme singe (1932) ! Ces deux films ont été réalisés par W. S. Van Dyke, comportent Maureen O’Sullivan, mère de Mia Farrow, dans leur casting  respectif et mettent en scène deux couples ultra connus, à savoir Tarzan et Jane d’une part, et Nick et Nora Charles d’autre part. Les époux Charles empruntent les traits de William Powell et Myrna Loy, deux acteurs réunis à quatorze reprises durant leur carrière. En instaurant une égalité nouvelle au sein du couple Nick/Nora, L’introuvable aura une énorme influence sur la vie de couple aux États-Unis.

Notre avis (3.5/5) : Dans L’introuvable, W. S. Van Dyke adapte un roman policier de Dashiell Hammett. Le film se décline sans aucun temps mort en une enquête policière doublée d’une comédie domestique. L’intrigue, un peu compliquée, est allégée par un ton insolent et sarcastique. La performance livrée par William Powell est excellente. Il forme avec Myrna Loy un modèle de couple uni et complice.

W. S. Van Dyke met en scène des personnages masculins et féminins singulièrement portés sur l’alcool quelle que soit l’heure de la journée ou de la nuit. Le film a été distribué en 1934, c’est-à-dire peu de temps avant l’instauration du code Hays. Quelques mois plus tard, la censure qui a accompagné le code Hays n’aurait jamais accepté la diffusion en l’état de L’introuvable.

Jeux de mains

de Mitchell Leisen (1935, 1h19) – Carole Lombard – Titre original : Hands across the table

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Regi Allen (Carole Lombard) est manucure dans un grand hôtel new-yorkais. Elle recherche ardemment un millionnaire à épouser. Cela pourrait être un résident de l’hôtel, Allen Macklyn (Ralph Bellamy), un richissime paralytique. Mais un jour, elle découvre qu’un client, Theodore Drew III (Fred MacMurray), est issu d’une très bonne famille. Elle entreprend de le séduire.

Présentation du film par Bertrand Tavernier qui restera dans la salle pour assister à sa projection et Pascal Thomas qui dira apprécier la mise en scène rapide mais jugera les dialogues plus laborieux.

Notre avis (1.5/5) : Cette screwball comedy traite de l’arrivisme de son personnage féminin incarné par Carole Lombard dont le jeu imprévisible et aux multiples changements de ton fait merveille. Mitchell Leisen bouscule les apparences sociales en inversant les rôles entre les hommes et les femmes. Jeux de mains n’est rien d’autre qu’une comédie légère et loufoque. Ce film est plutôt, voire exclusivement, destiné aux spectateurs amateurs de ce genre cinématographique.

Lettre d’une inconnue

de Max Ophüls (1948, 1h28) – Joan Fontaine – Titre original : Letter from an unknown woman

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Vienne, années 1900. À la veille d’une provocation en duel par un mari bafoué, Stephan Brand (Louis Jourdan), un célèbre et séduisant pianiste sur le déclin, reçoit la lettre d’une certaine Lisa Brendle (Joan Fontaine). Il découvre que celle-ci lui a voué toute sa vie un amour sans limites. Lisa revient sur ses différentes rencontres avec Stefan, depuis le jour où celui-ci s’installa à côté de chez elle et où elle tomba amoureuse de lui, pour ne jamais s’en défaire.

Présentation du film par Marisa Paredes et Régis Wargnier.

Notre avis (3.5/5) : Deuxième film américain de Max Ophüls alors en exil, Lettre d’une inconnue contient toute la nostalgie de son auteur pour un passé révolu. Une chronique tragique d’un amour impossible dans une Vienne du début du XXème siècle minutieusement reconstituée dans ses décors tant extérieurs qu’intérieurs.

Outre l’interprétation extrêmement fine de Joan Fontaine, Lettre d’une inconnue est aussi porté par une mise en scène remarquable. Max Ophüls multiplie les mouvements de caméra complexes (escaliers) et les cadrages d’une précision chirurgicale. Ce long métrage est filmé dans un noir et blanc magnifié par une excellente maîtrise de la lumière.

Chaînes conjugales

de Joseph L. Mankiewicz (1949, 1h43) – Linda Darnell, Jeanne Crain – Titre original : A letter to three wives

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Trois amies (Jeanne Crain, Linda Darnell, Ann Sothern), partent en bateau pour une journée d’excursion avec un groupe d’orphelins. Peu avant le départ, elles reçoivent une lettre d’Addie Cross, qui fait habituellement partie du groupe, leur annonçant qu’elle ne les rejoindra pas et qu’elle quitte la ville avec le mari d’une d’entre elles. Sans préciser lequel…

Lors de la présentation du film avant sa projection, Régis Wargnier précise qu’initialement il était prévu cinq personnages féminins. La réduction à trois du nombre de protagonistes féminines reste inexpliquée.

Notre avis (3.5/5) : Joseph L. Mankiewicz prend appui sur le conformisme de la classe moyenne américaine pour mieux égratigner les obsessions de celle-ci. Ici, le mariage est analysé comme vecteur d’ascension sociale.

Élégamment et finement écrit, le scénario de Chaînes conjugales se montre solide, rigoureux et intelligent. Ce film de la fin des années 40 jouit également d’une narration moderne et limpide. Le récit s’effectue en partie en voix-off et s’organise autour de trois longs flashbacks qui se font écho. Chaque flashback voit son propos concentré sur l’une des trois principaux personnages féminins. Cette stratégie de narration permet au final un bel approfondissement de la psychologie de chaque protagoniste. Chaînes conjugales présente également l’intérêt de voir évoluer Kurt Douglas dans un rôle éloigné de ses interprétations usuelles.

L’héritière

de William Wyler (1949, 1h55) – Olivia de Havilland, Miriam Hopkins – Titre original : The heiress

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New York, 1850. Le Dr. Austin Sloper (Ralph Richardson), médecin de la grande bourgeoisie, vit avec sa fille Catherine (Olivia de Havilland) et sa sœur, veuve (Miriam Hopkins), dans une grande maison de Washington Square. Catherine, délaissée par son père qui ne s’est jamais remis de la mort de son épouse, est une jeune fille timide, gauche et sans charme. Lors d’un bal, elle rencontre Morris Towsend (Montgomery Clift). L’homme, sans situation, la courtise et elle tombe sous son charme. Mais son père voit en lui un coureur de dot et menace Catherine de la déshériter.

Dans sa présentation du film, Antoine Sire cite Olivia de Havilland comme actrice exemplaire parmi celles racontées dans son ouvrage Hollywood, la cité des femmes publié chez Actes sud. Actrice anglaise de théâtre, elle est embauchée comme actrice de cinéma par la Warner en 1935. Elle obtient le second rôle (celui de Mélanie) dans Autant en emporte le vent produit en 1939 par la MGM qui la révèle au public. Son contrat de sept ans avec la Warner l’amène à 1942 mais hors mise à pied. Le contrat se voit ainsi prolongé au delà de sa durée de sept ans, ce qui en fait un contrat de servage. Elle obtient gain de cause auprès des tribunaux, là où Bette Davies avait échoué. Le cas d’Olivia de Havilland fit ensuite jurisprudence. L’actrice travailla ensuite en indépendante dans des films dont elle a l’initiative de production. C’est le cas de L’héritière de William Wyler.

Notre avis (2/5) : William Wyler adapte ici une pièce de théâtre. Sa direction d’acteurs et sa mise en scène très classiques maintiennent dans le film des attributs théâtraux. L’héritière permit à Olivia de Havilland d’obtenir un second Oscar, fruit d’une réelle performance d’interprétation d’un personnage traversant plusieurs états psychiques. Ce long métrage permet également d’entendre Montgomery Clift chanter en français quelques couplets de Plaisir d’amour. La partition de cette chanson est d’ailleurs le thème principal de la B.O. de L’Héritière.

La version restaurée vue au festival Lumière 2016 fera l’objet d’une ressortie nationale le 9 novembre 2016.

Eve

de Joseph L. Mankiewicz (1950, 2h18) – Anne Baxter, Bette Davis, Marilyn Monroe – Titre original : All about Eve

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Broadway. Le prix Sarah Siddons vient d’être décerné à la jeune et radieuse comédienne Eve Harrington (Anne Baxter), inconnue il y a peu de temps encore. Quelques mois plus tôt, cette jeune femme, grande admiratrice de la légende des planches new-yorkaises, Margo Channing (Bette Davis), était reçue par son idole dans sa loge…

Notre avis (2.5/5)Eve de Joseph L. Mankiewicz fait partie des classiques hollywoodiens. Ce long métrage récompensé par six Oscars bénéficie d’un scénario solide et rigoureux et de dialogues incisifs. Il est animé par un casting de qualité en tête duquel trône Bette Davis, auteure d’une interprétation impressionnante. Côté masculin, la performance de Hugh Marlowe est également remarquable.

Par contre, Eve souffre d’un sujet – le théâtre – que Joseph L. Mankiewicz ne montre guère et que les protagonistes ne pratiquent pas. En positionnant son intrigue dans de multiples salons feutrés, Joseph L. Mankiewicz a opté pour une mise en scène redondante et éloignée des scènes de théâtre. Nous pouvons légitimement nous interroger sur ce choix qui paraît trop souvent inapproprié. Enfin, le finale autour du personnage de Phoebe ne convainc pas car il n’apporte rien si ce n’est appuyer un message pourtant limpide.

Le masque arraché

de David Miller (1952, 1h50) – Joan Crawford – Titre original : Sudden fear

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Myra Hudson (Joan Crawford) est une dramaturge à succès, mariée à Lester Blaine (Jack Palance), un acteur plus jeune qu’elle. Par le biais d’un dictaphone non débranché, elle apprend que son époux la trompe et compte, avec sa maîtresse Irene (Gloria Grahame), l’assassiner dans les plus brefs délais afin de récupérer sa fortune.

Présentation du film par Delphine Gleize.

Notre avis (3/5) : Après une longue mise en place des personnages pourtant peu nombreux, David Miller fait définitivement basculer Le masque arraché dans un genre plus ouvertement angoissant. L’atmosphère anxiogène déployée prend appui sur des sons ou des objets communs et connus pour être inoffensifs. Un tour de force que le réalisateur complète par l’usage du hors champ ou du champ en partie masqué.

Le scénario du Masque arraché déjà efficace car rigoureux, inventif et sans faille voit ainsi son suspense amplifié. Si l’essentiel de ce film noir se déroule en intérieur, son finale montre une course poursuite nocturne convaincante.

Mirage de la vie

de Douglas Sirk (1959, 2h05) – Lana Turner – Titre original : Imitation of life

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Lora Meredith (Lana Turner), est une actrice sans emploi. Veuve, elle vit seule avec sa fille Susie. Sur la plage de Coney Island, elle rencontre une femme noire, Annie (Juanita Moore), également mère d’une fillette, Sarah-Jane. Lora décide de les accueillir chez elle et d’embaucher Annie comme gouvernante, pendant qu’elle se consacrera de nouveau à sa carrière. Elle délaisse progressivement sa fille et son amant Steve Archer (John Gavin). Les fillettes grandissent ensemble, et Sarah-Jane (Susan Kohner), métisse, prenant de plus en plus en horreur son origine noire, rejette sa mère et décide de se faire passer pour blanche.

Présentation du film par Anne Consigny et Antoine Sire.

Ce film fait l’objet d’une ressortie nationale par Ciné Sorbonne le 5 octobre 2016 en version numérique restaurée.

Notre avis (1.5/5) : Sorti en 1959, Mirage de la vie est le dernier mélodrame américain réalisé par Douglas Sirk. Dans l’Amérique conservatrice de la fin des années 50, le cinéaste d’origine danoise s’attache à traiter de la différence raciale. Un sujet qu’il caractérise par un duo de femmes, l’une est blanche et carriériste, l’autre est noire et servante.

Malgré une indispensable re-contextualisation historique, Mirage de la vie n’est le réceptacle que d’un traitement superficiel de cet intéressant sujet. Les effets scénaristiques redondants, les interprétations posées, parfois guindées, et un finale larmoyant ont raison des belles intentions initiales. Dans ce mélodrame déséquilibré à l’intrigue peu sophistiquée, la romance prend trop ouvertement le dessus sur le drame sociétal. Alors que les États-Unis de l’époque étaient en plein combat sur les droits civiques, Douglas Sirk ne se montre pas suffisamment incisif dans ses propos, dommage.

Buster Keaton, Part 1

Les lois de l’hospitalité

de Buster Keaton et John G. Blystone (1923, 1h05) – Titre original : Our hospitality

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1810, dans les États du Sud. La vieille querelle entre les familles McCay et Canfield fait un mort, laissant veuve Madame McCay, mère du très jeune Willie. Afin de protéger son enfant, elle décide de quitter la ville. Vingt ans plus tard, Willie (Buster Keaton) revient prendre possession de la demeure familiale. Lors de son voyage en train, il tombe sous le charme d’une belle jeune femme, qu’il ignore encore être Virginia Canfield (Natalie Talmadge)…

Présentation du film par Florence Seyvos.

Ciné-concert avec accompagnement musical live au piano par Romain Camiolo.

Notre avis (3/5) : L’hospitalité, une affaire de famille

Fiancées en folie

de Buster Keaton (1925, 56 min) – Titre original : Seven chances

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James (Buster Keaton) est amoureux de Mary (Ruth Dwyer), mais trop timide, il n’a jamais vraiment osé lui déclarer sa flamme. Un jour, un avocat (Snitz Edwards) lui annonce la mort de son aïeul et un fabuleux héritage. Mais le jeune homme ne pourra en bénéficier que s’il est bien marié le jour de ses 21 ans, à 19h. Or c’est le jour même…

Fiancées en folie fait partie des dix-neuf courts métrages et onze longs métrages du programme de restauration Keaton project.

Notre avis (3/5) : Mes premières amours

Cadet d’eau douce

de Buster Keaton et Charles Reisner (1928, 1h10) – Titre original : Steamboat Bill Jr.

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William Canfield (Ernest Torrence), dit « Steamboat Bill », est le propriétaire d’un vieux bateau à roues sur le Mississippi. Mais sa vieille barcasse fait pâle figure face au nouveau venu, le King, propriété de son concurrent – et désormais ennemi – J. J. King (Tom McGuire). Steamboat Bill apprend que son fils (Buster Keaton), qu’il n’a pas vu depuis des années, arrive de Boston. L’allure très endimanchée et le comportement insolite de Willie Jr. déplaisent particulièrement à son père. Rien ne s’arrange quand ce dernier apprend que Willie est amoureux de Kitty (Marion Byron), la fille de King.

Présentation du film par Agnès Varda qui, entre Charlie Chaplin et Buster Keaton, avouera une préférence pour le dernier nommé « sans pour autant jeter de la tour » Chaplin. Dans Les 101 nuits, la cinéaste reprend d’ailleurs quelques secondes d’un plan séquence de Keaton.

Notre avis (3.5/5) : En faisant référence au seul personnage interprété par Buster Keaton, le titre original du film – Steamboat Bill, Jr. – se montre inférieur à sa version francisée qui joue sur les mots. Un constat suffisamment rare qui mérite d’être signalé.

Dans Cadet d’eau douce, entre gags, situations cocasses et acrobaties, le spectacle est permanent. Bien que muets et en noir et blanc, les morceaux de bravoure qui jalonnent le film de bout en bout demeurent inusables, indémodables et toujours aussi efficaces. Parmi ceux-ci, nous pouvons relever notamment une épique lutte contre des éléments naturels contraires, une séance d’essayage de chapeaux et une tempête dévastatrice qui fait s’envoler façades, arbres, voitures, etc. Près de quatre-vingt ans après sa réalisation, cette tempête d’anthologie fait toujours figure de référence.

Un film tout public que les quelques têtes blondes présentes dans la salle ont particulièrement apprécié. Mais les adultes n’étaient pas en reste dont Laurent Gerra, Raphaël Mezrahi et Ramzy Bédia vus parmi les spectateurs.

Buster Keaton n’était autre qu’un Charlie Chaplin doué d’un talent rare d’acrobate. Sa filmographie à redécouvrir fait l’objet d’un programme de restauration qui s’achèvera en 2020.

Programme Buster Keaton

Sélection de quatre courts métrages de Buster Keaton et Eddie Cline :
  • Malec champion de tir (The high sign, 1920, 20 min)
  • Malec chez les indiens (The paleface, 1921, 20 min)
  • Frigo fregoli (The play house, 1923, 23 min)
  • Frigo déménageur (Cops, 1922, 18 min)

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Quatre courts métrages afin de voir ou revoir les premiers films réalisés par Buster Keaton au sein de ses propres studios et de la Comique Film Corporation, avant qu’il ne se lance dans la réalisation de longs métrages. Au programme : un homme à la recherche d’un emploi, pris pour un tireur d’élite ; le rêve de spectacle d’une petite main du théâtre ; un chasseur de papillons devenant chef d’une tribu indienne et un amoureux éconduit avec un chargement de meubles volés sur les bras.

Ciné-concert avec accompagnement musical live au piano par Romain Camiolo.

Présentation du film par Thierry Frémaux et Laurent Gerra.

Notre avis (3/5) : Réalisés dès le début des années 20, les quatre courts métrages composant ce programme contiennent déjà tous les ingrédients qui feront le succès, jusqu’à l’avènement du cinéma parlant, de la filmographie de Buster Keaton. Sur ces aspects, Malec champion de tir produit en 1920 vaut pour exemple.

Dans Frigo fregoli, Keaton multiple son propre personnage pour prendre diverses apparences et aller jusqu’à singer un singe. Ainsi, dans l’une des scènes les plus célèbres de ce court-métrage, l’acteur-réalisateur interprète tous les rôles : acteurs, techniciens et public ! Dans un même plan incroyable, Keaton incarne tous les musiciens d’un orchestre. Assurément, d’un point de vue technique, Frigo fregoli fait partie des réalisations les plus ambitieuses de Keaton.

Pour sa part, Malec chez les indiens, digression autour de l’univers du western, cache un sous-texte sociétal relatif à la lutte entre les blancs et les indiens. Après avoir été pourchassé par eux, l’homme blanc incarné par Keaton devient le chef d’une tribu d’indiens et prendra la défense de ces derniers face aux blancs qui cherchent à imposer leur loi.

Dans Frigo déménageur, Keaton met en scène une course-poursuite mémorable parfaitement orchestrée et rythmée. Son personnage met tout en œuvre pour échapper aux policiers qui le suivent à la trace jusqu’à s’accrocher à une voiture lancée à pleine vitesse…

Quentin Tarantino : 1970

Butch Cassidy et le Kid

de George Roy Hill (1969, 1h50) – Titre original : Butch Cassidy and the Sundance kid

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Au début du XXe siècle, Butch Cassidy (Paul Newman) et son ami Sundance Kid (Robert Redford) pillent les trains et les banques. Les deux malfrats élaborent un plan ingénieux qui leur permet de dévaliser deux fois le même convoi, mais les autorités sont sur leur piste. Le Kid retrouve son amie, Etta Place (Katharine Ross), une jeune institutrice, et Butch Cassidy improvise avec elle un brillant numéro à bicyclette. La seconde attaque de l’Union Pacific oblige les deux complices et Etta à abandonner leurs amis et à fuir en Bolivie. Là, ils poursuivent leurs exploits criminels et ce, malgré la défection de la jeune femme, effrayée par la tournure que prennent les événements.

Film d’ouverture du Festival Lumière 2016, sélectionné et présenté par Quentin Tarantino en personne, Butch Cassidy et le Kid nous est projeté dans une superbe copie 35 mm sur l’immense écran installé dans la Halle Tony Garnier. Quentin Tarantino indique avoir découvert ce film à l’âge de six ans lors d’un premier voyage à Hollywood et l’avoir redécouvert il y a quatre ans à Paris. Il précise que chez George Roy Hill, le rôle principal est toujours tenu par un rêveur ou un menteur et souvent immature (difficulté à devenir adulte) renchérit Bertrand Tavernier.

Notre avis (3.5/5) : Si le personnage féminin incarné par Katharine Ross aurait mérité d’être plus approfondi, ses deux compagnons d’aventure sous les traits de Paul Newman et Robert Redford animent chaque plan du film et justifient du même coup pleinement son titre. Leur complémentarité à l’écran fait merveille. L’un est cérébral là où l’autre se plait dans l’action. George Roy Hill accompagne la fuite de ses cavaliers de quelques ellipses cavalières. Cependant, la plus importante de ces ellipses, celle du déplacement de l’action des États-Unis vers la Bolivie, est remarquablement exécutée. Le réalisateur américain la compose exclusivement de photographies filmées et la fait aboutir à un ultime cliché qui, lentement, s’anime superbement pour former le début d’un plan séquence.

Le scénario de William Goldman, alors jeune scénariste, qui écrira ensuite Les hommes du président, Marathon man ou Princess Bride, ménage des dialogues souvent savoureux. La couleur ocre qui baigne le début du film fait écho à l’image figée qui le clôt. Enfin, la violence soudaine et déraisonnée que filme George Roy Hill se voit banalisée par une certaine esthétisation. Des caractéristiques que Quentin Tarantino a faites siennes dans ses propres longs métrages et qui sont aussi autant de marqueurs du Nouvel Hollywood, écrin de créativité dans lequel Butch Cassidy et le Kid s’insère parfaitement en voisin intime de Bonnie and Clyde d’Arthur Penn.

L’inconnu italien : Antonio Pietrangeli

Du soleil dans les yeux

d’Antonio Pietrangeli (1953, 1h38) – Titre original : Il sole negli occhi

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Après avoir perdu ses parents, Celestina (Irene Galter), jeune provinciale ingénue, quitte son village afin de s’installer à Rome comme domestique. Confrontée à des employeurs qui n’hésitent pas à profiter de sa naïveté, elle va de place en place. Lorsqu’elle rencontre le séduisant Fernando (Gabriele Ferzetti), qui la courtise avec ferveur, la jeune femme croit avoir enfin trouvé le grand amour. Mais quand elle tombe enceinte, Fernando disparaît…

Présentation du film par Clotilde Courau.

Notre avis (3/5) : Premier film d’Antonio Pietrangeli, réalisateur tombé dans l’oubli, Du soleil dans les yeux décrit la société transalpine des années 50. Une société en reconstruction déjà individualiste et encore très machiste (scène du bus) qui voit l’émergence d’une petite bourgeoisie.

A travers le personnage de Celistina, interprété par Irene Galter, Antonio Pietrangeli trace le parcours d’apprentissage d’une jeune paysanne migrant à Rome pour trouver un travail. Le tempo de ce parcours chaotique est donné par les employeurs successifs de Celistina, tous représentatifs d’une classe sociale propre de l’Italie d’après-guerre.

Le tissu urbain de Rome en reconstruction est la toile de fond utilisée par le réalisateur italien pour porter son regard sur l’émancipation, la solidarité et l’entraide. Autant d’éléments qu’Antonio Pietrangeli conjugue exclusivement au féminin dans une société machiste. Du soleil dans les yeux constitue ainsi une pertinente réflexion sur la violence entre les classes sociales dans l’Italie des années 50.

Sortie en salle le 12 octobre 2016.

Histoire permanente des femmes cinéastes Dorothy Arzner

L’obsession de madame Craig

de Dorothy Arzner (1936, 1h13) – Titre original : Craig’s wife

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Harriet Craig (Rosalind Russell) a épousé Walter (John Boles) par sécurité. Elle souhaitait une belle maison parfaitement rangée, des domestiques, la quiétude d’une vie bien ordonnée. Le seul rôle de son époux est d’assurer ce confort. Lorsque Walter se retrouve mêlé à une affaire de meurtre, les commérages viennent perturber cet univers lisse et aseptisé.

Présentation du film par Philippe Garnier avec la présence dans la salle de Bertrand Tavernier et de Quentin Tarantino.

Notre avis (2/5) : Tiré d’une pièce de George Kelly, L’obsession de madame Craig est le plus grand succès de Dorothy Arzner et son seul film réalisé pour la Columbia. Ce long métrage s’avère donc isolé d’un point de vue production mais aussi atypique dans son contenu si on le compare aux films produits pour la Paramount par la réalisatrice américaine.

Madame Craig, incarnée par Rosalind Russell, est ainsi montrée presque comme un monstre. Au-delà de ce personnage principal, le travail effectué sur les personnages secondaires est intéressant puisque Dorothy Arzner a opté pour un traitement par couple. Le portrait féminin dressé est sans concession à travers un contrat de mariage perçu comme un contrat d’affaire aux règles strictes et sans échappatoires possibles.

Il est très étonnant de voir Quentin Tarantino en visite dans le sweet home bien rangé de Dorothy Arzner. Les obsessions de madame Craig semblent très éloignées de celles qui animent les personnages de cinéma de l’auteur de Pulp fiction. C’est peut-être l’unique copie 35 mm du film qui nous a été projetée qui a attiré le fervent amoureux du support pellicule qu’il est.

Devons-nous nous attendre à une version « Pulp » de madame Craig ? Ce serait très étonnant ! Le mystère reste entier. Mais toujours est-il que, au détour d’un vase cassé, d’une rayure sur le carrelage ou d’un cendrier rempli de mégots, L’obsession de madame Craig est un film « amazing » (sic).

Bertrand Tavernier présente

Voyage à travers le cinéma français

de Bertrand Tavernier (2016, 3h12)

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Plongée de plus de trois heures dans le cinéma français des années 1930 à 1970, accompagnée par le cinéaste-cinéphile Bertrand Tavernier.

Avant la projection de son film, Bertrand Tavernier précise qu’il n’est pas critique et que Voyage à travers le cinéma français n’a pas vocation à être exhaustif. C’est un film de gratitude et de remerciement aux personnes qui l’ont soutenu. Ce n’est pas un film-musée, mais un film sur les longs métrages qui ne sont plus programmés à la télévision à l’exception de Ciné Classic et de parfois Arte.

Ce soir, Voyage à travers le cinéma français va être projeté en version française sous-titrée en anglais car dans la salle a pris place Quentin Tarantino. Comme l’a indiqué Thierry Frémaux, il ne manquait que Martin Scorsese pour avoir la quintessence de la cinéphilie mondiale !

Notre avis (4.5/5)Voyage à travers le cinéma français – Suivez le guide

Lucky Jo

de Michel Deville (1964, 1h31)

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Jo (Eddie Constantine) est un truand qui porte la guigne à tous ceux qui l’entourent. Sa maladresse l’a envoyé, lui et ses trois coéquipiers, en prison. À sa sortie, ses anciens acolytes refusent de le revoir, sauf Mimi (Françoise Arnoul). Un nouveau casse tourne mal et divise les quatre amis, mais Jo compte bien mener son enquête.

La présentation du film avant sa projection est assurée par Jean-Paul Salomé et Bertrand Tavernier. Le premier nommé lit en Lucky Jo une sorte de poésie tant de l’image que du rythme de la narration. Michel Deville invente une ponctuation cinématographique. Pour sa part, Bertrand Tavernier souligne l’intention très forte du réalisateur sur les personnages féminins et la scène écologique des pommes, très peu usuelle à l’époque. Bertrand Tavernier attire également l’attention sur l’intéressant casting mis en scène (Pierre et Claude Brasseur sont ici réunis pour la première fois à l’écran) et sur le fait que le producteur avait imposé une scène de bagarre toutes les deux bobines.

Notre avis (2/5) : Sur une partition originale de Georges Delerue, Michel Deville livre avec Lucky Jo un ovni dans le paysage du cinéma français.

Lucky Jo est une adaptation libre du roman noir Main pleine de Pierre G. Lesou. Une liberté que nous retrouvons dans les dialogues souvent comiques et dans un montage abrupt collant à la dynamique des bagarres. Le récit semble ainsi être déroulé en pointillés au rythme d’un ton changeant. Il est dès lors difficile d’attacher un unique genre à Lucky Jo. L’épilogue « tombe à l’eau » et nous interroge sur l’essence même de ce long métrage, objet très singulier et étonnant.

Alphaville

de Jean-Luc Godard (1965, 1h40)

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Lemmy Caution (Eddie Constantine), le célèbre agent secret, part pour la ville futuriste d’Alphaville. Là, il doit retrouver et ramener Henry Dickson (Akim Tamiroff), son ancien collègue et créateur de la machine Alpha 60, qui contrôle Alphaville. Lemmy Caution est confronté à une population désormais privée de sentiments et pour laquelle les mots n’ont plus de valeur. Il va alors tenter de détruire Alpha 60.

Notre avis (4/5) : Dans ce film essai, Jean-Luc Godard fait la description d’une société du futur où les sentiments et la conscience de ses habitants ont disparu. Un monde déshumanisé et sans réelle communication entre les individus.

Ici, l’intrigue est accessoire, elle ne sert au réalisateur que de prétexte pour pratiquer des expérimentations sur les vecteurs de communication mis en œuvre. Les questions et les réponses sont simples, standard, répétitives et parfois prononcées hors contexte. Les échanges sont factices, déshumanisés et régulièrement parasités par les bruits de fond. Dans Alphaville, tous les moyens de communication semblent dysfonctionner (exemple : sur demande de l’étage 5 dans un ascenseur, celui-ci s’arrêtera à l’étage 4 sans que les protagonistes ne trouvent ceci anormal). Ce pays intérieur qu’est Alphaville fonctionne selon une logique spécifique. Les hommes qui ont un comportement logique sont exécutés dans le « SS », entendre dans la piscine du Sous-Sol.

L’étrangeté d’Alphaville est également entretenue par les options retenues pour le montage des plans et l’emploi de voix (off) monocordes. Au travail colossal réalisé sur les médias de communication d’Alphaville, il faut ajouter celui relatif au repérage des lieux intérieurs comme extérieurs futuristes dans le Paris de l’année 1964. Alphaville est un objet filmique fascinant.

Invitation à Gong Li

Vivre !

de Zhang Yimou (1994, 2h13) – Titre original : Huo zhe

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Chine, années 1940. Fugui (Ge You), un jeune bourgeois, perd toute sa fortune au jeu. Sa femme Jiazhen (Gong Li) le quitte, son père meurt, il se retrouve à la rue. Après quelques mois de séparation, Jiazhen finit par lui pardonner. Fugui forme alors une troupe de théâtre d’ombres avec son ami Chunsheng (Guo Tao).

Notre avis (3/5) : Avec Vivre !, Zhang Yimou livre une fresque monumentale sur un quart de siècle de l’histoire de la Chine. A travers la vie d’une famille provinciale, ce sont les vingt-cinq premières années du régime maoïste qui sont mises en images. Le récit chronologique est elliptique, les quatre décennies traitées le sont à travers une année unique (1948, 1958, 1966 et début des années 70).

Une période durant laquelle l’ennemi évoluera du contre-révolutionnaire au capitaliste mais restera intérieur. La radiographie filmique de Zhang Yimou est celle d’un pays en pleine mutation et dont les théâtres d’ombres sont la parfaite parabole. Le maoïsme parfaitement saisi par l’objectif du cinéaste chinois est témoin mais également acteur de la disparition de tout un pan des traditions et du folklore chinois. En cela, Vivre ! est une fresque historique sans équivalent.

Grandes projections

Nous nous sommes tant aimés

d’Ettore Scola (1974, 2h04) – Titre original : C’eravamo tanto amati

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Frères d’armes, Antonio (Nino Manfredi), Gianni (Vittorio Gassman) et Nicola (Stefano Satta Flores) ont célébré ensemble la chute du nazisme. La paix revenue, leurs chemins se sont séparés. Nicola a tout abandonné pour suivre ses ambitions cinéphiles et militantes, Gianni est devenu un bourgeois amer et Antonio, fidèle à ses idées politiques, ne parvient pas à progresser socialement. Trente années passent, au fil des rencontres et des hasards.

Présentation du film par Eric Lartigau.

Notre avis (3/5) : Sur une période allant de 1945 et 1972, Ettore Scola retrace le destin de ses trois personnages  principaux. C’est le récit d’une amitié qui se délite au rythme des illusions perdues. Par ce portrait doux-amer (la nostalgie sous-jacente est contrebalancée par un humour certain), le réalisateur italien dresse également celui de toute une génération post seconde Guerre Mondiale.

Nous nous sommes tant aimés sonne également comme un hommage au cinéma italien, notamment celui de Vittorio De Sica, ami d’Ettore Scola, celui-ci a dédié ce film à sa mémoire. Outre Vittorio De Sica, Marcello Mastroianni et Federico Fellini (confondu avec Roberto Rossellini…) font aussi partie du casting. A mi-chemin entre comédie italienne et mélodrame, Nous nous sommes tant aimés fascine par son inaltérable fraîcheur.

La porte du paradis

de Michael Cimino (1980, 3h36) – Titre original : Heaven’s gate

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En 1870, James Averill (Kris Kristofferson) et Billy Irvine (John Hurt) fêtent la fin de leurs études à Harvard. Ils se retrouvent vingt ans plus tard : James est devenu shérif du comté de Johnson et Billy un de ces gros éleveurs qui voient d’un mauvais œil arriver les immigrants d’Europe centrale attirés par le rêve américain. Décidée à les combattre, l’association des éleveurs donne à des mercenaires une liste sur laquelle figurent ceux qu’il faut liquider. Bravant tout sentiment de classe, James s’oppose à cette intervention, mettant en danger sa propre vie et celle de la femme qu’il aime (Isabelle Huppert)…

Présentation du film par Thierry Frémaux, Joann Carelli (productrice du film) et Calantha Mansfield (filleule de Michael Cimino et fille de David Mansfield auteur de la B.O. de La porte du paradis).

Michael Cimino était un habitué du festival Lumière et un grand amoureux de la ville de Lyon. Avant la projection de La porte du paradis, un clip hommage composé d’extraits de ses films a été diffusé ainsi que sa version de La sortie d’usine réalisée en 2013. Une Sortie d’usine particulière puisque Michael Cimino avait demandé à ce que tous les participants courent. Un exercice auquel tout le monde s’est prêté de bonne grâce sauf Richard Borhinger qui clôt cette sortie « accélérée » en marchant.

Décédé le 30 juin dernier, Michael Cimino, également écrivain, laisse derrière lui de nombreux projets non aboutis dont l’adaptation au cinéma de La condition humaine, roman d’André Malraux

Notre avis (4.5/5)La porte du paradis est un film aussi fabuleux que son échec commercial a été retentissant. Un échec qui a causé la faillite du studio United Artists et signé l’arrêt de mort du Nouvel Hollywood. Derrière cette Porte du paradis, c’est l’enfer qui attendait Michael Cimino devenu paria dans la sphère Hollywoodienne.

L’échec constaté au box office est en partie lié aux faits racontés d’une Amérique pas si éloignée de nous (fin du XIXème siècle). Le film relate une Amérique sombre et violente à travers la lutte que mène de grands éleveurs face à des immigrants d’Europe centrale dont l’identité de ceux qu’il faut liquider est consignée sur une liste.

Les qualités de La porte du paradis sont pourtant innombrables. Parmi celles-ci nous pouvons dénombrer des décors naturels ou reconstitués vertigineux, des mouvements de caméra complexes et parfaitement réalisés, une captation saisissante de la lumière naturelle, des figurants par centaines, des reconstitutions de fusillades relevant de la chorégraphie, etc.

Si la version longue d’une durée légèrement supérieure à 3 heures et demi dilue inévitablement le propos et introduit un certain déséquilibre dans le traitement des divers personnages, elle est sans contexte la version à voir absolument d’un point de vue cinématographique. Un très grand film de cinéma par un des plus brillants cinéastes du Nouvel Hollywood, à jamais incompris.

Trésors des archives

La chanson du cœur

de Mario Volpe (1932, 1h27) – Cinémathèque française – Titre original : Onchoudet el-Fouad

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Un pacha égyptien et une danseuse européenne vivent une histoire d’amour. L’homme emmène la jeune femme dans sa petite ville du sud de l’Égypte…

Lors de la présentation du film avant sa projection, Thierry Frémaux fit mention de la rareté de ce premier film parlant et chantant égyptien. La chanson du cœur est proposé par la cinémathèque française dont le président, Costa-Gavras, évoqua les relations solides de cette institution avec le cinéma égyptien. Pour sa part, Frédéric Bonnaud précisa que ce film réalisé par Mario Volpe reste inconnu tout comme son auteur, un aventurier italien dont on ne sait pas grand-chose y compris de l’autre côté des Alpes. Enfin, Emilie Cauquy fit mention que ce long métrage a fait l’objet de plusieurs restaurations mais demeurait incomplet. Lors de la restauration du film, la chanson titre, un temps perdue, fut retrouvée sur un disque 78 tours et resynchronisée avec les photogrammes du film. Cette restauration a également été accompagnée par l’ajout de sous-titres en français sur les passages dialogués.

Pour cette restauration projetée en première mondiale dans la salle 4 du cinéma Comoedia, Costa-Gavras resta dans la salle dans laquelle était également présent François Aymé, président de l’AFCAE.

Notre avis (3/5) : L’intrigue, un banal et rocambolesque mélodrame, n’est pas  la qualité première de La chanson du cœur. A peine peut-on noter un pastiche de Roméo et Juliette. En version égyptienne, Juliette nous gratifie de l’une des rares scènes dansées du film alors que Roméo, fin mélomane mais à l’organe vocal défaillant, se fait seconder par un enregistrement sur vinyle. L’intérêt du film de Mario Volpe est ailleurs.

La chanson du cœur est le premier film musical égyptien, un genre à part entière et phare à Alexandrie et dans toute l’Égypte. Les interprétations des acteurs sont théâtrales mais peuvent s’expliquer par la proximité du cinéma muet (ce long métrage a été réalisé en 1932). D’ailleurs certaines séquences muettes jalonnent La chanson du cœur au milieu de scènes alternativement musicales, parlantes, chantées ou dansées. Ce film de Mario Volpe acquiert ici une forme composite source d’une certaine étrangeté renforcée par un montage technique libéré de tout académisme. La chanson du cœur est une incunable curiosité, une sorte de bulle cinématographique de 87 minutes coincée entre deux époques, celle du cinéma muet et celle du cinéma parlant. Le film revêt également un intérêt historique en regard des lieux filmés, qu’ils soient urbains ou ruraux, historiques ou pas. Mario Volpe étaient un aventurier et certains passages de son film s’apparentent à un documentaire géographique.

Break-up, érotisme et ballons rouges

de Marco Ferreri (1965, 1h37) – Cineteca de Bologna et Museo Nazionale del Cinema de Turin – Titre original : L’uomo dei cinque palloni

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Mario (Marcello Mastroianni) est propriétaire d’une usine de bonbons. Obsédé par les ballons de sa campagne publicitaire, le riche industriel sombre peu à peu dans la démence. Il délaisse sa fiancée, Giovanna (Catherine Spaak), qui le quitte, excédée. Mario se retrouve seul face à sa folie.

Dans la présentation du film, Gian Luca Farinelli précise que ce film réalisé par Marco Ferreri est rarissime y compris en Italie. Il constitue une critique de la société de consommation. Réalisé en 1962, le film est en avance sur son temps d’un point de vue narratif et formel.

La restauration de Break-up, érotisme et ballons rouges a été primée au festival de Venise 2016.

Notre avis (2.5/5) : Comme son titre l’indique, dans Break-up, érotisme et ballons rouges, il est question de ruptures, d’érotisme (un peu) mais surtout de ballons (pas seulement rouges) que Marcello Mastroianni a tout loisir, au détriment de ses relations avec son entourage, de gonfler jusqu’à ce qu’ils éclatent… ou pas. Cette occupation va devenir obsessionnelle chez notre héros et source de questionnements existentiels.

Filmé en noir et blanc, ces ballons gris sont complétés par une longue séquence en couleurs (absente de certaines versions du film), sorte de bulle pop colorée coincée entre de multiples ballons gris. La scène finale, comme l’ensemble du film, est ambigüe et laisse cours à de nombreuses interprétations.

Ce film rare de Marco Ferreri est étrange, abstrait et difficilement identifiable à un autre film. Il marque aussi la première collaboration du réalisateur italien avec Marcello Mastroianni.

Nouvelles restaurations

Marie-Octobre

de Julien Duvivier (1959, 1h30)

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Marie-Hélène Dumoulin (Danielle Darrieux), patronne d’une maison de couture, était Marie-Octobre pendant la guerre. Membre d’un groupe de résistants, elle a vu son chef et amant Castille arrêté et exécuté par les Allemands. Quinze ans plus tard, elle apprend que le réseau avait été dénoncé par l’un des siens. Elle réunit tous les survivants pour un dîner, bien décidée à démasquer le traître.

Sophie Seydoux nous précise que le programme de restauration des films de Julien Duvivier se poursuit. Ainsi, Marie-Octobre peut être considéré, pour reprendre le terme de Thierry Frémaux, comme un « post-scriptum » à la rétrospective Duvivier du Festival Lumière 2015. Le public fait salle comble pour la projection en avant-première de cette version numérisée 4k et restaurée 2k. Pour Dominique Blanc qui souligne les unités de lieu, de temps et d’action proposées par le cinéaste français dans Marie-Octobre, cette projection est l’opportunité de revoir ce film découvert quand elle était enfant mais non revu depuis.

Notre avis (4/5) : Cluedo en triple unité

Un homme de trop

de Costa-Gavras (1967, 1h55)

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1943, dans les Cévennes. Un groupe de maquisards reçoit de Londres l’ordre de libérer douze résistants condamnés à mort et emprisonnés à Sarlande. L’opération, menée par Cazal (Bruno Cremer) et ses lieutenants Thomas (Gérard Blain) et Jean (Jean-Claude Brialy), est une réussite. Mais ce sont treize hommes, et non douze, qui ont été libérés…

Lors de la présentation du film avant sa projection, Thierry Frémaux rappelle qu’après la rétrospective consacrée à Costa-Gavras en 2015, ce sont les deux premiers longs métrages du réalisateur, Compartiment tueur et Un homme de trop, qui sont inscrits au programme du festival Lumière 2016 après leur restauration respective.

Costa-Gavras nous informe que pour son deuxième long métrage, il souhaitait à l’époque adapter La condition humaine d’André Malraux. Comme ce roman est peu connu aux États-Unis, son coproducteur américain a refusé. Son deuxième film aura finalement pour sujet la vie des maquisards fuyant le STO allemand. Et le réalisateur d’indiquer que si les actions peuvent paraître excessives, elles sont toutes véridiques.

Bertrand Tavernier est aperçu dans la salle pour visionner ce film de Costa-Gavras.

Notre avis (1,5/5) : Film devenu rare, L’homme de trop est le premier film sur la Résistance traité comme un western. Le thème du film, l’histoire d’un cas de conscience inspiré de faits réels, est passionnant. Il est malheureusement placé au second plan dès la scène d’introduction qui fait la part belle à l’action. De plus, ce sujet explosif est continuellement désamorcé par un humour inadéquat, parfois parodique. Le long métrage vire à la débandade comme son finale.

Ce choix de narration fait par Costa-Gavras est regrettable car le casting convoqué est excellent : Michel Piccoli, Charles Vanel, Bruno Cremer, Jean-Claude Brialy, Gérard Blain, Claude Brasseur, Jacques Perrin, etc. Film d’action avant tout, Un homme de trop échoue à questionner l’histoire et la notion de justice.

La dernière vague

de Peter Weir (1977, 1h41) – Titre original : The last wave

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David Burton (Richard Chamberlain), avocat à Sidney, est chargé de défendre un groupe de cinq Aborigènes, accusés de meurtre à la suite d’une bagarre. Pourtant, Burton est intimement persuadé qu’il s’agit d’un crime rituel, dicté par d’anciennes lois tribales. Alors qu’il est en proie à d’étranges rêves, l’Australie est secouée par des phénomènes météorologiques inexplicables…

Dans sa présentation du film, Michel Ciment mit l’accent sur l’importance de redécouvrir la première vague du cinéma australien. Avec son cinéma populaire et d’action mais très original car amenant à la réflexion, Peter Weir fait partie des auteurs parmi les plus intéressants de cette vague.

Notre avis (3/5) : Dans La dernière vague, Peter Weir fait s’opposer ses deux personnages principaux. Le premier, incarné par Richard Chamberlain, est blanc, avocat, rationnel et cartésien. Le second, sous les traits de David Gulpilil, est aborigène et agit en respectant des rites anciens et tribaux.

De la psychologie contraire de ses deux protagonistes, Peter Weir parvient à instaurer dans son film une atmosphère originale et étrange. La mise en scène du réalisateur australien et la bande originale participent à ce microclimat anxiogène qui se voit également renforcé par des scènes spectaculaires prenant appui sur la force de la nature.

Séances spéciales

Soirée ciné-club Télérama

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L’hebdomadaire Télérama nous convie à une séance-mystère, en présence d’un invité dont l’identité ne sera révélée qu’une fois le public en salle. Ledit invité se prêtera ensuite à l’exercice de la masterclass, animée par le journaliste Laurent Rigoulet, avant que ne soit projeté un film de son choix.

L’invité mystère a été dévoilé la veille de la séance Ciné-club. L’hebdomadaire Télérama invite le chanteur Christophe à se prêter à l’exercice de la master class.

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Compte-rendu de cette rencontre : Christophe – Du blues en bobines

C’est en fin d’interview que fut révélé le film choisi par Christophe pour ce ciné-club, à savoir

Les nerfs à vif

de Jack Lee Thompson (1962, 1h45) – Titre original : Cape fear

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Notre avis (3/5) : Ce thriller de Jack Lee Thompson s’articule autour de ses deux personnages principaux. Max Cady, fraîchement sorti de prison, est interprété par Robert Mitchum qui compose ici un rôle qui lui était peu commun. Son interprétation est caractérisée par une masculinité poussée à l’extrême et animée par un désir indéfectible de vengeance. Face à lui, Gregory Peck en victime toute désignée évolue dans un registre plus conventionnel.

Comme son titre le suggère, ce long métrage de Jack Lee Thompson ménage un suspense efficace dans un crescendo soigneusement entretenu jusqu’à un violent épilogue. L’efficacité est également du côté de la B.O., brillante. Les scènes de suspense les plus marquantes ne sont pas sans nous remémorer quelques plans séquences modèles d’Alfred Hitchcock.