Green border – Périmètre intentionnel indéfini

Agnieszka Holland propose dans Green border un long périple d’une durée quasi déraisonnable de 2h30. Ce film au long cours s’évertue à suivre l’exile d’une famille syrienne qui cherche à rejoindre la Suède. On distingue dans ce long-métrage deux parties distinctes encadrées par un prologue et un épilogue. L’ensemble, inégal, ne parvient pas à constituer un tout. Le contenu animé de bonnes et louables intentions prête le flanc à une lecture critique. Au final, le film interroge plus qu’il n’apporte de réponses. Au-delà de l’exposé proposé, on peut légitimement se questionner sur les réelles intentions de la réalisatrice.

Ayant fui la guerre, une famille syrienne entreprend un éprouvant périple pour rejoindre la Suède. A la frontière entre le Belarus et la Pologne, synonyme d’entrée dans l’Europe, ils se retrouvent embourbés avec des dizaines d’autres familles, dans une zone marécageuse, à la merci de militaires aux méthodes violentes. Ils réalisent peu à peu qu’ils sont les otages malgré eux d’une situation qui les dépasse, où chacun – garde-frontières, activistes humanitaires, population locale – tente de jouer sa partition…

Le prologue de Green border installe son action dans la carlingue d’un long vol. Les passagers sont des réfugiés et leur destination est l’aéroport de Minsk, capitale de la Biélorussie. De manière tout aussi maladroite qu’ostentatoire, le nom de la compagnie aérienne apparaît à l’écran. Ce nom ne fait pas mystère de la nationalité de cette compagnie : turque. Agnieszka Holland, réalisatrice et coscénariste du film, prend ainsi pour fil conducteur le narratif officiel sans autre forme de procès. Ce narratif, vérité imposée du moment, n’a jamais été étayé et documenté après sa courte existence. Pour sa part, le transfert des réfugiés de Minsk vers la frontière polonaise est tout simplement occulté. Il est vrai que le narratif officiel n’a jamais fait cas de ces transferts de réfugiés. Le début de Green border ne satisfait pas car le traitement proposé est vierge de tout parti pris sur une situation complexe appelant à documentation et à analyse.

Le premier bloc narratif de Green border concerne les tentatives de franchissements par les réfugiés de la frontière entre la Biélorussie et la Pologne. Cette frontière sera traversée à plusieurs reprises dans un sens puis dans l’autre par des protagonistes renvoyés sans cesse de l’autre côté de la frontière par les forces militaires de chaque belligérant. Des séquences filmées émerge avant tout un concentré dense de faits inspirés du réel. La confusion l’emporte dans l’esprit du spectateur face à une suite d’actions tout aussi fabriquée que brouillonne. Ici, Holland reste neutre et s’évertue à équilibrer les torts car les exactions montrées sont commises des deux côtés de la frontière.

La seconde partie du film est la plus longue. Elle campe les actions et les évènements en terres polonaises un peu en marge de la zone de sécurité. Ici, la narration trouve enfin un équilibre et l’intérêt de Green border grandit enfin. La réalisatrice-scénariste élargit son propos en introduisant un groupe d’activistes venant en aide aux réfugiés par diverses actions clandestines parfois à la limite de la légalité. Dans cette partie du film, indéniablement la plus intéressante, la cinéaste adopte une réalisation moins démonstrative pour rendre compte d’un scénario mieux écrit et plus travaillé.

Green border aurait gagné à être clos ici. Malheureusement, Holland complète son métrage d’un épilogue dispensable. L’action est déplacée en mars 2022 sur la frontière entre la Pologne et l’Ukraine. Le même adjectif « déplacé » peut être attribué au parallèle hasardeux fait dans cet épilogue entre les réfugiés rejetés à la frontière biélorusse et les exilés ukrainiens accueillis à la frontière polonaise ! Indéniablement, Green Border interroge sur les réelles intentions de son auteure.

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