Le repas des fauves – La part du lion pour Francis Blanche

Revoir Le repas des fauves (1964) de Christian-Jaque fait immédiatement penser à un autre film français en l’occurrence à Marie-Octobre (Cluedo en triple unité) réalisé cinq ans plus tôt par Julien Duvivier. Si le cadet ne dépasse pas son aîné, il n’en demeure pas moins vrai que Le repas des fauves a su conserver des propres saveurs.

Dans la France occupée, quelques amis sont réunis autour d’une table pour célébrer un anniversaire. A deux pas de là, un attentat a lieu tuant deux officiers nazis. Le capitaine SS Kaubach exige alors l’exécution d’une vingtaine d’otages si les coupables ne sont pas trouvés…

Les liens cinématographiques qui peuvent être tissés entre Marie-Octobre et Le repas des fauves sont tels que le second pourrait paraître comme une simple variation du premier nommé. En dehors d’une première et rapide analyse filmique du long-métrage de Christian-Jaque, ce jugement serait pour le moins cavalier et ne pourrait être accepté comme définitif. Les deux huis-clos très ressemblants différent plus sur le fond que sur la forme.

Les deux films avancent des mobiles différents. Chez Julien Duvivier, l’action était contemporaine au film et elle visait à trouver dans l’assistance quel avait été, quinze ans plus tôt, l’individu qui avait dénoncé aux Allemands le chef du réseau de résistance « Vaillance ». Chez Christian-Jacques, l’action n’est pas contemporaine au film puisqu’elle prend place dans une France occupée. Elle ne consiste pas à trouver un coupable mais à désigner parmi les invités deux otages réclamés par les Allemands.

Au large et prestigieux casting convoqué par Duvivier répond une distribution plus réduite et moins prestigieuse que Christian-Jacques dirige avec brio. Le repas des fauves paraît par instant plus théâtral que Marie-Octobre. La qualité d’interprétation des comédiens n’est pas en cause. Cette théâtralité plus prononcée semble plutôt émaner d’un casting plus resserré limitant par essence la diversité des interactions entre les sept protagonistes.

L’une des grandes qualités de Marie-Octobre résidait dans l’impossibilité d’identifier un personnage principal. Tour à tour, chaque protagoniste devenait LE personnage central. Christian-Jacques ne parvient pas à une telle prouesse. Dans Le repas des fauves, la part du lion revient à Francis Blanche. Un an après avoir interprété Maître Folace dans Les tontons flingueurs (1963, Georges Lautner), l’acteur livre une composition fort satisfaisante dans un rôle pourtant éloigné de ceux qui ont fait et feront sa réputation.

Au-delà de quelques prises de vue obliques à l’intérêt incertain, sur le plan formel, Christian-Jacques use d’un filmage très inspiré de celui de Duvivier. La récurrence de plans pris en contre-plongée permet, comme dans Marie-Octobre, de dévoiler le plafond de la pièce dans laquelle se loge le huis-clos. Cette technique renforce l’effet d’enfermement voulu alors que, sur d’autres séquences, elle surligne la criticité des échanges entre les protagonistes. Christian-Jacques s’offrira cependant en fin de métrage le plaisir de crever ce plafond.

2 réflexions sur “Le repas des fauves – La part du lion pour Francis Blanche

  1. Je n’ai jamais vu cette resucée de « Marie-Octobre » mais elle m’intrigue néanmoins. Certes Christian-Jaque n’affiche pas le casting de Duvivier qui, comme lui pourtant, peinait à exister dans le cinéma des années 60. Quant au sujet et aux personnages, il pourrait être intéressant de les passer au filtre de la propre expérience du réalisateur sous l’Occupation allemande, lui qui fit deux films pour la Continental avant de rejoindre les FFI. A voir.

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    • Bonjour Princecranoir,
      J’avoue ne pas avoir regarder ce film avec le filtre que tu suggères. L’Occupation allemande me semble ici relégué au simple contexte déclencheur de l’argument du film. Le repas des fauves ne ma pas semblé porteur de message particulier sur ce contexte historique. Mais revoir ce long-métrage avec ce filtre me paraît être une bonne suggestion.

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