Les fantômes de Goya – Fresque inquisitrice

Les fantômes de Goya est l’ultime film de Milos Forman ayant bénéficié d’une distribution à l’international en 2006 et 2007. Celle-ci fut cependant discrète, l’heure de gloire du cinéaste était passée au fil d’une filmographie à la qualité déclinante. Pourtant, ce long-métrage mérite d’être découvert notamment au regard de l’ambition narrative qui l’anime. Mais nous évoquons là une caractéristique souvent décelée dans les réalisations de l’auteur de Ragtime (1981, Naissance d’une nation chorale).

A la fin du XVIIIe siècle, alors que le royaume d’Espagne subit les derniers sursauts de l’Inquisition et que les guerres napoléoniennes bouleversent l’Europe, le frère Lorenzo, impitoyable inquisiteur, s’en prend à Inès, la muse du peintre Francisco Goya. Abusivement accusée d’hérésie, Inès se retrouve emprisonnée. Pour Goya, c’est le début d’une période qui changera sa vie et son œuvre à jamais…

Les fantômes de Goya ne figure pas parmi les films majeurs réalisés par Milos Forman. L’objet de cet article ne vise donc pas à comparer ce long-métrage à quelques-uns de ses illustres aînés tels que Au feu les pompiers (1967), Vol au-dessus d’un nid de coucou (1975), Ragtime (1981) ou encore Amadeus (1984). Œuvre mineure donc mais non dénuée de belles qualités qui justifient de s’intéresser à ce film dont la sortie en salle avait suscité peu d’émois.

Assez mal accueilli par le public, le film fit l’objet d’une sortie en salle finalement discrète alors que sa distribution semblait calibrée (devrions-nous employer le verbe formater ?) pour embrasser un large public sans frontière. En effet, Forman avait réuni un casting aussi international que la portée souhaitée du film. On retrouve ainsi dans les rôles principaux, entre autres, l’espagnol Javier Bardem (frère inquisiteur), le suédois Stellan Skarsgård (peintre Francisco Goya), l’israélo-américaine Natalie Portman (muse du peintre), le français Michael Lonsdale (prêtre inquisiteur). Ce casting composé autour d’acteurs expérimentés, reconnus et aux interprétations solides est l’une des forces indéniables du film mais aussi son principal vecteur de faiblesse.

En effet, alors que l’action se situe à la fin du XVIIIème siècle sur le sol espagnol, les protagonistes partagent une langue commune : l’anglais. Là où la langue espagnole aurait dû s’imposer naturellement, elle ne sera jamais entendue y compris parmi les belligérants du bas peuple. Il en va ainsi, en terres espagnoles sous l’inquisition, tout le monde parle anglais. A charge donc aux spectateurs sensibles à la crédibilité des reconstitutions de composer avec cette « facilité ».

Cela vient affaiblir Les fantômes de Goya porté malgré tout par de grandes ambitions à divers niveaux : mise en scène, narration, reconstitution d’une époque lointaine, casting pléthorique. La reconstitution de ces temps reculés de l’inquisition est soignée et de qualité au même titre que la réalisation toujours excellente de Forman. Sur le plan narratif, le scénario est le fruit de la collaboration entre le réalisateur et Jean-Claude Carrière, gage de qualité. Le récit mis en images ne souffre d’aucune baisse de régime dans son déroulement ce qui le rend captivant de bout en bout. L’ambition est là aussi : rendre compte de l’évolution psychologique des personnages sur quelques trois décennies. Sur le plan physique, le vieillissement des protagonistes convainc moins exception faite du personnage incarné par Portman qui subit une véritable transformation physique marquée par le traitement radical de l’inquisition. Notons que l’actrice porte un double rôle dans Les fantômes de Goya. Il y a celui d’Inés, muse de Goya, et celui d’Alicia, fille d’Inés. En somme, un rôle de mère et un rôle de fille pour une fille-mère, muse du peintre Goya. Enfin signalons pour terminer la grande qualité de composition du générique de fin. Forman compose celui-ci en filmant quelques toiles de Goya. La captation de ces peintures par leurs détails plus ou moins zoomés est saisissante. Ce générique vaut pour apprentissage du regard qui devrait être porté sur les œuvres du grand peintre espagnol.

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