Les confins du monde – Aux confins de l’humanité ?

Les confins du monde n’est ni un récit historique, ni un film de guerre mais un film psychologique et métaphysique sur la guérilla du Tonkin. Dans ce long métrage présenté à la Quinzaine des Réalisateurs du festival de Cannes 2018, les retranchements filmés sont tant géographiques (la jungle indochinoise) que psychologiques (la psyché malade d’un soldat incarné par Gaspard Ulliel). Guillaume Nicloux nous invite à un voyage dont la destination est indéterminée. Serions-nous en route pour les confins de l’humanité ?

Indochine, 1945. Robert Tassen, jeune militaire français, est le seul survivant d’un massacre dans lequel son frère a péri sous ses yeux. Aveuglé par sa vengeance, Robert s’engage dans une quête solitaire et secrète à la recherche des assassins. Mais sa rencontre avec Maï, une jeune Indochinoise, va bouleverser ses croyances.

Dans nombre de papiers écrits sur Les confins du monde, il est fait un rapprochement entre ce film et Apocalypse now (1979). Outre que Guillaume Nicloux troque ici l’Indochine à un Vietnam au contexte spécifique, ce n’est guère faire grâce au cinéaste français que de comparer son film à la grandiloquence baroque formelle et narrative de Francis Ford Coppola. Comment peut-on « opposer » deux films diamétralement opposés et aux moyens financiers incomparables ? Comme son titre le suggère, Les confins du monde est aussi modeste et intime qu’Apocalypse now se montre ample et ampoulé.

L’emploi du hors-champ fait par le cinéaste ainsi que le minimalisme et l’épure des Confins du monde font bien plus penser à La 317ème section (1965) de Pierre Schoendoerffer. Si plus d’un demi-siècle les sépare, ces deux longs-métrages français n’en partagent pas moins la même déclinaison d’une guerre vue sous un angle attentiste sur les traces de militaires français, là où l’ennemi invisible reste toujours menaçant.

Plus encore, c’est avec les deux précédents films de Nicloux, Valley of love (2015, Un sommet d’interprétation) et The end (2016), que Les confins du monde semble former un triptyque. Celui de voyages métaphysiques et mentaux en des lieux naturels inhospitaliers pour autant de quêtes existentielles. Chaque fois, le cinéaste privilégie un cinéma sensoriel au fil d’une ligne narrative minimale, ici, la quête vengeresse à travers la jungle indochinoise moite, boueuse et souvent brumeuse d’un soldat français (Gaspard Ulliel) traumatisé par l’horreur de la guerre. Et chaque fois, le cinéaste convoque Gérard Depardieu, ici, malheureusement cantonné au rôle trop secondaire et accessoire d’un vieux sage philosophe.

Le film commence par une scène muette et ralentie que Nicloux prend le soin de rembobiner en fin de métrage. Cette séquence liminaire propose un premier regard caméra du personnage principal, d’autres suivront. La lenteur et l’épure de cette ouverture sont brutalement rompues par la violence visuelle et sonore d’une deuxième séquence au réalisme brut. Cet enchaînement est prémonitoire d’un film émaillé d’images chocs et cliniques mais non esthétisées sur les stigmates d’une guérilla maintenue dans le hors champ de la caméra.

Les confins du monde ne renferme en effet aucune séquence de guérilla. Fort d’un filmage sur pellicules et en scope anamorphique, Nicloux concentre son film sur l’essentiel. Sa mise en scène organique faite de longs plans fixes vise à imprégner le film de l’atmosphère poisseuse de la jungle. Elle vise aussi à faire cheminer dans un même mouvement ses spectateurs et son personnage principal, entre réalisme et hallucination. La photographie composée par David Ungaro et le montage soigné des images et de la musique participent pleinement à restituer une atmosphère qui semble bien être celle des confins de l’humanité.

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